mercredi 5 décembre 2012

Deuxième colloque sur la Laïcité

J'ai ouvert ce matin au Conseil Régional d'île de France, un colloque avec pour thème : "Laïcité, Éducation populaire et Genre". Vous trouverez ci dessous le contenu de mon propos. Seul le prononcé fait foi. *** Monsieur le Président de la Ligue de l’enseignement d’Ile-de-France, Mesdames et Messieurs les élu-e-s, Mesdames et Messieurs, Quelques mots avant toute chose pour vous remercier de votre présence à l’occasion de cette deuxième journée de réflexion et de concertation, sur le thème « Laïcité, éducation populaire et genre ». Je remercie évidemment l’ensemble des intervenants et en particulier Djeneba Keita, Présidente du Centre Hubertine Auclert, et le Président de la Ligue de l’enseignement d’Ile-de-France qui avec leurs équipes ont contribué à l’organisation de cette journée d’échange sans oublier les services de la région que je remercie et que je salue. Mesdames et Messieurs, L’article premier de la Constitution de 1958 évoque à la fois la laïcité comme valeur fondamentale de notre république et le rapport à l’égalité de genre : « La France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale. La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales ». Si dans les textes aujourd’hui, personne ne remet en cause ni la laïcité, ni le fait que les femmes ont les mêmes droits que les hommes, la réalité contient bien des inégalités. De nos jours, La France est certes une et indivisible, mais elle se distingue encore trop souvent par ses divisions, par des fractures identitaires, fractures dans lesquelles la place de la femme est souvent au cœur de ces problématiques. Notre République s’est clairement définie par la laïcité. Rappelons tout de même que nous sommes le seul pays au monde à se définir ainsi. C’est sur fond de ce paradoxe que nous avons souhaité, avec cette journée d’étude, analyser à la fois la résurgence de l’enjeu politique de la laïcité, et le remaniement en profondeur des comportements, encore trop inégalitaire pour trouver ensemble une voie régionale à un mieux vivre ensemble. L’invitation que vous avez toutes et tous reçu, indiquait dans sa première phrase : « Laïcité et féminisme : le lien n’a pas toujours été évident ». Et pourtant, il s’agit bien là de deux piliers de notre société. D’un côté, la laïcité, valeur trop souvent dévoyée ces dernières années, manipulée et malmenée pour servir des discours prônant des comportements exactement contraires à ce qu’elle porte. D’un autre côté, l’égalité entre les femmes et les hommes, belle promesse qui est dans toutes les bouches, mais dont les preuves se font encore attendre. Lorsque l’on parle de laïcité et de genre, je n’ai aucun besoin de vous expliquer les caricatures auxquelles nous aboutissons, ou, les stéréotypes qui sont à l’œuvre. Dans un de nos séminaires, un intervenant soulevait à juste titre l’exemple de l’accompagnement des sorties scolaires, où l’on parle des mamans voilées, mais jamais des papas qui peuvent porter une kippa. Mesdames, Messieurs, Par conviction, j’ai toujours été un citoyen engagé et pragmatique. Avec la question de la laïcité, je ne déroge pas à cette ligne de conduite. La laïcité n’est pas un problème. C’est une solution éminemment moderne pour résoudre l’enjeu essentiel du vivre ensemble. Elle ne doit en aucun cas servir d’alibi à des politiques d’exclusion, mais au contraire elle doit être au service d’une vraie cohésion sociale, au service des valeurs de la République qui nous sont communes. A travers ses compétences, la Région est confrontée à des situations pratiques où se pose la question de la place des femmes dans notre société et plus généralement la question des inégalités entre les femmes et les hommes. De même, la question de la laïcité, vous le savez, s’invite régulièrement dans les débats des pouvoirs publics, quels qu’ils soient, et de manière encore une fois très concrète. A ces situations pratiques, il faut répondre par des réponses pratiques et faire preuve de discernement. Les grands principes sont certes utiles à la réflexion, mais ils ne peuvent à eux seuls servir de soutien à notre collectivité. Aujourd’hui, nous avons surtout besoin d’une laïcité de « sang froid », qui pose les questions telles quelles sont. Si l’on veut faire revivre l’esprit de la loi de 1905, il suffit de se remettre dans l’état d’esprit qui fut celui de Briand et de Jaurès. Un esprit fait de clarté dans les principes, de bienveillance et surtout de pragmatisme dans les réponses. L’égalité entre les femmes et les hommes, sujet on ne peut plus d’actualités comme le démontre notamment les annonces récentes du gouvernement, est également faite de combats. Des combats de ces hommes et de ces femmes pour qui l’égalité a un sens. Des combats de ces femmes qui ont su porter haut la voix des vraies valeurs républicaines. C’est grâce à ces femmes engagées que nous avons pu observer de nombreuses évolutions. C’est ainsi, pour ne citer que quelques exemples marquants qu’en: • 1907, les femmes peuvent disposer librement de leur salaire. Et, il aura fallu attendre une loi de 1965 pour qu’elles puissent travailler sans l’autorisation de leur mari. • En 1920, les femmes peuvent adhérer à un syndicat sans la bénédiction de leur conjoint. • Et en 1944, le droit de vote est accordé aux femmes. Même si ces avancées représentent de grands pas pour notre pays, il n’en demeure pas moins que le combat en faveur de la promotion du droit des femmes est encore et toujours au cœur des problématiques de notre société. Ces inégalités ne disparaîtrons pas toutes seules et il nous faudra encore un effort collectif pour faire bouger les mentalités en profondeur et faire ainsi reculer les préjugés qui en 2012 demeurent inacceptables. Mesdames, Messieurs, A ces questions de laïcité et d’égalité de genre, nous avons souhaité y joindre celle de l’éducation populaire, et plus précisément de l’action de l’éducation populaire dans l’articulation de ces questions. Il n’est pas si évident de définir l’éducation populaire, mais ce dont nous sommes certains aujourd’hui c’est qu’elle défend et prône des valeurs humanistes, fraternelles et solidaires. L’intégration de l’Education populaire au sein d’un ministère est un symbole politique extrêmement fort, qui traduit une volonté de relancer une politique ambitieuse en la matière. A ce propos, je veux ici saluer le travail exceptionnel de ces hommes et de ces femmes engagés dans les milieux associatifs, et il s’agit aussi de votre engagement, qui au quotidien encouragent une démarche participative des franciliennes et des franciliens, pour permettre à chacun et à chacune d’entre eux de s’engager autour d’une même cause au bénéfice de toutes et tous. Ainsi, vous contribuez à l’apprentissage de la citoyenneté, à ce que des hommes et des femmes se construisent individuellement et collectivement, s’émancipent, et participent à la construction et à la mise en œuvre de projets. Ensemble, nous devons tenir compte des aspirations des femmes, des laïques, des minorités linguistiques, religieuses et sexuelles, et enfin le dialogue deviendra possible. Aujourd’hui, plus que jamais, je demeure et nous demeurons avec l’exécutif régional, avec le Président de la Région IDF Jean-Paul HUCHON , convaincu que nous pouvons encore faire beaucoup dans ce monde embrumé et injuste pour transmettre et implanter une perspective véritablement humaniste, laïque et féministe. Ce qu’il faut désormais, c’est moins le goût de révoltes individuelles qu’une volonté collective. Il faut avant toute chose faire converger nos aspirations dans un projet commun pour la défense de la laïcité et des droits des femmes. Je reste convaincu qu’il n’est pas moins urgent aujourd’hui qu’il y a trois siècles de lutter contre les tentations obscurantistes, la censure et le fanatisme. Les défis de ce début de siècle nous imposent une lucidité et un engagement encore plus grands que par le passé. Camus disait : « Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde, la mienne sait pourtant qu’elle ne le fera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. » Evidemment, je marche résolument vers ce but. Conscient que nous n’allons pas faire une révolution, mais conscient aussi de l’urgence d’agir avec le même engagement, coûte que coûte, avec force, conviction, passion et détermination. L’objectif premier de l’action publique et de l’action collective, doit être de pouvoir donner des repères, dans le respect le plus strict des valeurs qui ont fondé notre république, et qui doivent être réaffirmées autant que de besoin pour retrouver leurs lettres de noblesse. Et pour finir en guise de clin d’œil à Henri Pena RUIZ, l’une de ces nombreuses citations, « La laïcité n’est pas un particularisme accidentel de l’histoire de France, elle constitue une conquête à préserver et à promouvoir, de portée universelle » Je vous remercie. ***